exposition du 27 avril au dimanche 24 mai 2017.
Université Catholique de Lille
60, boulevard Vauban- 59000 Lille
huile | sur lin
Il faut décider
146 x 114 cm
2003
acrylique | toile-lin
Fin de mission- Tokyo
146 X 114 cm
2003
huile | toile-lin
Le conseiller
195 x 130 cm
2003
fusain & sanguine | papier
(Etude) "On compte sur vous"
28 x 21 cm
2003
aquarelle | papier
(Etude) "Attente polie"
28 x 37 cm
2003
encre | papier
Dialogue
65 x 50 cm
2003
mine de plomb | papier
Esquisse - Je vous l'ai dit
21 x 29,7 cm
2003
aquarelle | papier
étude - Seul
2003
Thierry Diers, Les Hommes Creux
Image
Hurlante
Quand
Thierry Diers, qui travaille avec les grandes entreprises depuis de nombreuses
années, leur a proposé de financer un catalogue sur son travail de peintre,
beaucoup ont donné leur accord de principe. Lorsque l’artiste leur a présenté
le projet précisément –son contenu, ses images, l’esprit qui l’habite – toutes
ont poliment fait machine arrière.
Qu’y-avait-il
de si dangereux pour que de si solides structures estiment qu’il y ait un
risque à aider à la naissance d’un livre d’images ? Parce qu’ils y ont vu
leur propre portrait ?
Du fait
de ces deux activités, architecte et peintre Thierry Diers connaît bien les
grands décideurs. Parfois, il leur conçoit des bureaux et des bâtiments, à
d’autres moments, il leur propose certaines de ses peintures pour apporter
humanité et sensibilité à ces endroits parfois trop calibrés pour la
rentabilité, et où les murs portent les traces de rapports humains à la saveur
parfois assassine. Thierry fût donc un témoin direct de ses échanges qui n’ont
lieu que dans le monde du travail, arène sociale où s’escriment regards
moqueurs, commentaires lapidaires, fausses salutations et vrais coups de
poignard dans le dos. Thierry Diers voulait illustrer ces « poignées de
mains qui ne se font jamais », les disgrâces, les messes basses, …
C’est
grâce à cette bicéphalie professionnelle et humaine que la présente série a vu
le jour. C’est l’architecte qu’on convoque dans ces bâtiments, afin de lui
confier quelque mission. Traité de ses propres dires comme
« l’artiste » (autant dire, dans ce monde, « l’ahuri »),
les patrons et technocrates le laissent pénétrer leur intimité, baissant leur
garde. Lui est apparemment inoffensif. Il ne tient pas les cordons de la
bourse, ne vise pas le poste de son sous chef, et n’ira cafter à personne ce
qu’untel à dit d’un autre une fois la porte fermée. Les loups pensent qu’un
agneau est en balade dans la meute, et pourtant…
L’architecte
avait le peintre dans les poches (à moins que ce ne soit l’inverse), et c’est
bien plus qu’en qualité de témoin passif que Thierry Diers a observé ces
échanges qui n’ont d’humain que le nom. C’est ici que la schizophrénie de
l’activité de Diers trouve tout son sens : l’architecte comme le peintre
est tout entier tourné vers la compréhension et l’expression de la construction
des rapports entre les êtres.
Thierry
Diers est un peintre expressionniste abstrait. Ses toiles, d’ordinaire,
présentent de grands salves de couleurs, violemment ordonnées sur le plan.
Elles sont sentimentales, intimes et universelles, invitent à l’introspection,
à l’émotion, ou encore à un certain rapport physique avec la matière picturale.
Il y est rarement question de figure humaine, jamais de politique. Pourtant
ici, l’artiste a ressenti le besoin urgent de représenter directement ce dont
il a été témoin. La série des « Homme creux » est une anomalie dans
le parcours de Diers, un surgissement impératif qui commandait une affirmation
claire. Dans le texte qui suit, Yves Michaud, effectue une rapide comparaison
entre Diers et le peintre américain Philip Guston, illustre expressionniste
abstrait. Ce qu’il faut mentionner, c’est que Guston, avant d’être un des plus
grands non-figuratifs des années 50 et considéré alors comme l’égal de Pollock,
fut un peintre politique forcené qui dénonçait les violences raciales et
sociales, et qu’il reprit les chemins de la figuration en 1970, peignant le
racisme et l’impérialisme, déclarant que l’art abstrait, dans les temps
critiques, était impropre à parler du monde et encore moins à le changer. Il
fut mis à bas par la critique et une partie du milieu de l’art. S’il est
malaisé de hiérarchiser les genres de peintures, Guston, comme Diers ont chacun
ressenti la pulsion de dire le réel de la façon la plus explicite, bémolisant
leur habituelle épuration pudique des moyens. En 2015, les images ont gardé
toute leur force. En Janvier à Paris, une dizaine de personnes ont été tuées
pour des images. A l’heure où j’écris ces lignes, on parle d’une éviction des
Guignols de l’info. Cet ouvrage est autoédité, alors qu’il devrait en être
autrement. En 2015, oui, les images ont gardé toute leur force.
Nicolas-Xavier
Ferrand