exhibition from March 9 to April 8, 2017
Convergences Gallery- Valerie Grais
22, rue des Coutures Saint Gervais- 75003 Paris
technique mixte | papier
Rencontres
120 x 80 cm
2010
Technique mixte et assemblage | carton
Esquisse 8
21 x 30
2016
encre et acrylique | papier craft
Esquisse couronne
23,5 x 31,5
2016
aquarelle | papier fort
Sans titre
32x24
2012
aquarelle et pastel gras | papier fort
Sans titre
24 x 32
2009
Mine de plomb & fusain | papier
Construction
144x34
2008
technique mixte | papier
Bouillonnement
144x144
2008
Texte de Daniel Dobbels - La fin
des désenchantements (dessins du temps libre)
Dessins
sensibles le temps acceptant de se distendre, à une « clause muette »
qui n’exclue ni n’interdit rien, si ce rien n’est pas mortifère. Ils donnent à
voir et à comprendre qu’aucun de leurs chapitres ouverts n’est destiné à se
refermer brutalement et clos avant l’heure. Il y a en eux un droit gagné –
élaboré depuis des années – qui pourrait se définir ainsi : celui d’avoir
droit ou, plus justement, voix au chapitre. Non pas pour élever la voix et
céder à l’amplification d’une clameur qui serait restée sourde, conduite dès
lors à devenir elle-même assourdissante, mais pour faire part d’une complexité
vitale, où chaque rapport pour se nouer doit surmonter une faiblesse d’être
inimaginable, faire preuve d’une subtilité, d’une attention, d’une
circonspection exacte. Chaque dessin est, ici, soucieux de ne pas céder à la
puissance d’un dessein, à la tentation d’un destin. Il conjure l’emprise.
Il
ne procède que de la plus ancienne vigilance (l’enfant en détient le secret)
veillant à ce que les choses se passent et naissent, s’étreignent et
s’écartent, suivant une profonde loi du libre-échange. Attention élémentaire
qui mûrit avec le temps mais ne vieillit pas et ne s’enkyste pas. Avant même
que le nom de « liberté » soit prononcé et écrit (et quand cela advient,
Eluard le savait, il est déjà trop tard : le pire s’est produit), il
flotte, se teint, se restreint, s’étend légèrement, insiste peu, se greffe sans
blesser, se sent aimé de la visibilité et, ainsi, se déploie en un milieu
favorable. Avènement qui n’est pas d’hier, mais jouit du présent qui se dépose
en lui et – miracles discrets – lui expose les chances nouvelles (liens,
métamorphoses, fluidités, concrétions heureuses, structures d’entente) qui se
tenaient là où nul a priori ne pouvait apparaître comme dominant.
Thierry
Diers tire ses lignes (et les formes qui s’y figurent, s’en distinguent, s’y
replient ou s’y nichent, s’en éloignent et prennent corps) d’une mémoire que
les temps refusent de circonscrire. Les morts d’hier ne sont pas jaloux des
êtres qui viennent vivre sous ses yeux et d’entre ses mains, une existence
qu’ils savent fragile mais inespérée. Veillerait sur elle cette « voix de
l’enchanteur mort » (Merlin) à laquelle Apollinaire fait dire :
« je suis mort et froid. Mais tes mirages ne sont pas inutiles aux
cadavres ; je te prie d’en laisser une bonne provision à la disposition de
ma voix. Qu’il y en ait de toutes sortes : de toute heure, de toute saison,
de toute couleur et de toute grandeur… « (« L’Enchanteur
pourrissant », éd. Poésie/Gallimard, p.29). Sans oser vouloir hausser le
ton (la musicalité des dessins de Thierry Diers en serait affectée, elle qui
semble s’entendre en demi-teinte, pour ne jamais être étouffée), on serait
tenté pourtant d’ajouter aux vœux de
Merlin : de tous les mondes. A la condition que ceux-ci ne soient assignés
par aucune frontière, ne soient limités par aucun état ou domaine tenu de main
de maître par l’on ne sait quel propriétaire forcené. Les œuvres que l’on
découvre et qui s’offrent à notre regard sont migrantes, de passage,
limitrophes mais essentiellement apatrides; les lieux qu’elles visitent se
situent entre le monde des vivants et le monde des morts, mais elles témoignent
d’une attention pour tous. Elles sont, mystérieusement, utiles. Elles exaucent
(exhaussent aussi, sans jamais prendre les faits d’apparition de haut) une
attente et une errance que l’effroi ou la peur ne contraignent plus. Fin des
intimidations, fin des humiliations, fin des espoirs de conquête assassins. Une
liberté de ton merveilleuse (elle n’est exempte d’aucune inquiétude, reste
soucieuse des tremblements qui pourraient la secouer ou la menacer) déploie ses
interrègnes. Elle se fait l’écho (parmi tant d’autres possibles approches ou
résonances) de cette autre parole de l’enchanteur : « Ô riche
voyageur, je suis incirconcis et baptisé, et pourtant j’ai été à Jérusalem,
mais par d’autres chemins que le chemin de croix, et j’ai été à Rome par
d’autres chemins que tous ceux qui y
mènent… ». L’impression donne à rêver : toutes les voies tracées dans
chaque dessin, fussent-elles seulement indiquées, esquissées, ou encore liées à
un temps T, sont des issues, trouvées sur toutes sortes de continents. Leurs
visibilité provient, la plupart des fois, des marges non tracées où les forces
encore à venir semblent latérales, comme si Thierry Diers laissait advenir le
moindre événement notable d’un à côté (d’un point du temps et de l’espace où la
lumière n’est jamais aveuglante mais propice aux nuances d’être les moins
comprimées, dégagées de toute forme d’oppression). Ligne de partage de stricts
égards : ce qui (se) passe sous nos yeux est d’hier et d’aujourd’hui. Les
traits qui en émanent sont souverains et joueurs… Nulle clause à remplir pour
en distiller les accords suivant ses propres rêveries.
Paris, février 2017