Silencieux Vacarmes

Published : 4/27/23, 5:45 PM
From 6/19/23 to 8/31/23


Maison de la Charente-Maritime, La Rochelle

Exposition du 19 juin au 31 aout

Video de présentation:  https://la.charente-maritime.fr/actualites/un-ete-un-artiste?fbclid=IwAR3PBDL8vixa9DiXlH10hD17eWOD-qVcQAQcd6PCmPyvf74Ifjj_J8Z1vN0


Silencieux vacarmes.

 

Le lieu et sa proximité à l’océan m’ont guidé dans les choix de cet ensemble de toiles qui s’étale sur les années. Présentées sans chronologie, elles sont inspirées par les espaces et les lumières qui m’ont construit sur le bord de la mer du Nord, des sensations retrouvées sur l’Île-de-Ré au long des années 80 et à présent sur la Presqu’île d’Arvert entre mer, marais et forêt.  Horizons et lointains qui nourrissent un alphabet de signes que je vous propose de parcourir comme une musique qui enveloppe, accompagne le temps et témoigne.

 

Pour découvrir cet univers, laissez-vous prendre par ces œuvres, parcourez les pleins et les manques qui ne cherchent pas à être la reproduction du monde extérieur mais qui retracent un cheminement ponctué d’étapes nourries par les événements et l’expérience. J’explore, doute et avance, toujours curieux de découvrir ce que ces lentes élaborations vont offrir dans des constructions recouvertes par les accidents et les rencontres à la quête de la profondeur d’un instant.  

 

Des histoires inscrites dans les souvenirs, retrouver la grâce des rêves qui glissent dans l’oreille, inclination à bousculer les habitudes sans certitude ou vouloir faire beau.  Puis apprendre à abandonner ces créations à leur histoire, conscient que cette aventure raconte et me dépasse.  

 

Comme un enfant la toile se retire et m’étonne. Qui l’a fait, d’où vient-elle ?  Médiations informelles, silencieux vacarmes.

 

Thierry Diers -2023




Le parcours de Thierry Diers, bien qu’atypique et parfaitement personnel, est aussi une invitation au voyage à la rencontre de toute une race d’artistes pour lesquels la toile est une « arène », où s’expriment des sentiments intimes et violents, mais aussi profonds et universels.

 

Est-ce un hasard si Thierry Diers a grandi dans la même zone géographique que le premier des expressionnistes, Vincent Van Gogh ? On retrouve chez eux la même faim de couleurs, la même façon de transformer la nature concrète en signes émotionnels. Concernant la couleur, Thierry Diers connaît la réponse depuis longtemps. Ceux qui ont arpenté les plages du Nord l’ont probablement deviné également. A Dunkerque, dont l’artiste est originaire, le gris du ciel se confond avec celui du sable et l’horizon s’exténue dans ce camaïeu d’indistinctions. Les habitants n’ont pas eu besoin de rencontrer Malévitch pour connaître la définition d’un monochrome. Là-bas, il n’y a plus de haut ni de bas, plus de nord ou d’ouest, les repères physiques n’y sont que des conventions de langage. L’effet qui en résulte n’est pas une révélation de l’immensité de la nature, mais bien davantage le départ d’une introspection. Puisque les yeux n’entendent rien, c’est à l’esprit d’y voir clair – ici commence toute bonne quête expressionniste.

C’est aussi le point de départ d’une vision de la couleur. Dans un monde gris, celle-ci n’est plus descriptive mais forcément poétique, et, pour citer et violenter le poète, le peintre nordiste a dans la tête le bleu qu’il n’a pas dans le ciel, la couleur n’ayant pas une telle existence physique, en tous cas pas à ce point-là : il n’y a qu’à voir le choc esthétique qu’ont subi la plupart des peintres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle quand ils ont découvert la lumière du sud de la France – c’est là que Vincent est devenu Van Gogh et que Matisse et Derain se transformèrent en « fauves » et lancèrent les premiers l’aventure de l’avant-garde. Thierry Diers n’a pas attendu de découvrir le méridional pour s’attaquer à la couleur. Sa naissance à la peinture se fit sur l’autre versant du siècle, au moment où ces données étaient déjà bien en place dans l’histoire de l’art. Pour un peintre expressionniste comme Diers, la couleur a d’emblée une valeur symbolique et psychologique, et les formes, même quand elles roulent sur la crête du figuratif, sont toujours fortement intériorisées.

Il est à noter que l’usage de la couleur n’est pas linéaire chez l’artiste. La fin des années 1970 et surtout les années 1980 et 1990 ont connu un emploi assez systématique de tons froids, profonds. Il faut attendre les années 2000 (et une maturité, une stabilité ?) pour voir la palette s’éclairer, se libérer. 

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Nicolas-Xavier Ferrand 

Chargé de recherches- Pinault Collection

 

Extrait du catalogue de l’exposition « Errance d’une écriture ». 

 Musée Bernard Boesch- La Baule.  2015